En première ligne de l’opposition à la droite au Palais-Bourbon,Jean-Marc
Ayrault,président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale,a vu
évoluer François Fillon dans ses différentes facettes.
Du SMIC jeune à la réforme des retraites en passant par un goût prononcé pour les thèses des néoconservateurs américains,Jean-Marc Ayrault dresse un bilan de la vie politique du Premier ministre de
Nicolas Sarkozy.
« On le présente souvent comme un gaulliste social, presque un gaulliste de gauche du fait de son compagnonnage avec Philippe Séguin. Mais il a été aussi balladurien et chiraquien. Comme ministre de Balladur, il avait été l’auteur du CIP, le SMIC jeune que le gouvernement avait été contraint de retirer.
Comme ministre des Affaires sociales de Jacques Chirac, il a fait une réforme des retraites qui était courageuse mais incomplète et injuste. Au ministère de l’Éducation, à part une loi d’orientation sans consistance, il a surtout renoué avec la conception nostalgique d’une école élitiste.
Il est surtout l’auteur du programme de Sarkozy, l’inspirateur d’une droite
«décomplexée» proche des thèses du néoconservatisme américain. Il a été notamment l’un de ceux qui a travaillé à la réinterprétation de notre histoire nationale :la critique radicale de mai 68, la responsabilité de la gauche dans les périodes difficile du pays. Je me souviens d’un échange très vif que j’avais eu à l’Assemblée nationale avec lui, lorsqu’il avait dénoncé la responsabilité du Front populaire dans la défaite de 40. Au sens littéral du terme, c’est une thèse réactionnaire très ancienne.
Sa conception de la démocratie sociale est à la fois contradictoire et conservatrice.
Contradictoire quand il souhaite des syndicats représentatifs et qu’il s’emploie à les affaiblir en proposant d’instituer la liberté de candidature dans les élections professionnelles ou la remise en cause du droit de grève dans la fonction publique.
Contradictoire quand il souhaite un espace de négociations et qu’il intime aux partenaires sociaux de se plier à la volonté majoritaire exprimée aux élections.
Vision conservatrice enfin, quand il veut que le droit social se fasse au niveau de l’entreprise, quand il refuse la représentation syndicale dans les conseils d’administration et quand il propose des réformes comme le contrat unique, ou la défiscalisation des heures supplémentaires qui sont inspirées par le patronat.
Il est à cet égard dans la continuité de la droite: une démocratie sociale à armes inégales.
Je crois enfin qu’à Matignon, il n’aura aucune marge de manoeuvre. Le quinquennat a réduit l’autonomie du Premier ministre.
La conception hyperprésidentielle de Nicolas Sarkozy qui entend s’occuper de tout, la formation de super-ministères qui rendront compte au président et à lui seul, risque de réduire son rôle à celui de super-directeur de cabinet. Mais, pour bien le connaître,je sais que François Fillon sera un adversaire respectable et difficile.Il est organisé, travailleur et cohérent malgré les sinusoïdes de son parcours personnel.
Sa tâche sera Lourde. Je respecte l’homme. Je combattrai sa politique.»
Jean-Marc Ayrault
Député européen et directeur de cabinet de François Hollande depuis 1997, Stéphane Le Foll se présente à la députation en face du nouveau
chef du gouvernement.
Quel genre d’élu local François Fillon est-il?François Fillon est boulimique et cumulard. Il est passé du conseil général au conseil régional, de député à sénateur et le voilà à nouveau candidat à la députation. C’est un homme qui considère que les électeurs sont à sa disposition.
Sous un air modéré et lisse, le nouveau chef du gouvernement est
quelqu’un d’extrêmement orgueilleux qui n’a aucun sens de l’écoute dans son action locale.
Son caractère fuyant le rend difficile à percevoir de prime abord, mais sous sa timidité se cache un homme plein de duplicité, qui intériorise une détermination farouche et sans concession.
Voyez-vous en lui un homme politique efficace ?Non, au contraire. Il n’a pas de grande vision, il se range toujours
derrière quelqu’un pour pouvoir exister, comme nous le voyons aujourd’hui dans ses relations avec Nicolas Sarkozy.
De plus, il ne faut pas oublier qu’il a été gaulliste social, puis balladurien, puis seguiniste : cela ne fait pas de lui un homme cohérent.
Au plan local, il s’est imposé sans porter de grandes idées. Fillon est
quelqu’un qui aime le pouvoir et le prend, mais n’y accole pas de marque particulière. Sa façon d’agir est tout à fait insipide.
Il profite des circonstances.
Il a « hérité » de cette circonscription lors du décès de Joël Le Theule, dont il a été l’assistant parlementaire, mais il n’a pas su faire fructifier cet
héritage.
Est-il un authentique libéral ?François Fillon est un authentique dérégulateur. Il s’engage dans une logique de démantèlement des règles collectives :
dérogations aux négociations de branches et aux négociations collectives, mise en place de franchises en matière de santé, instauration d’un contrat unique, détaxation des heures supplémentaires
: un véritable démantèlement de notre système social.
Propos recueillis par Ariane Vincent http://www.lefoll.net/